Crise du marché des valeurs: que faire?

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Par Tatiana Martchenko (FBK), pour RIA Novosti
Par Tatiana Martchenko (FBK), pour RIA Novosti

L'état du marché des valeurs est l'indice le plus important de la santé du système économique contemporain. Par conséquent, l'état de santé actuel de l'économie russe et mondiale suscite de sérieuses préoccupations. Dans cette situation, il importe de comprendre si une chute aussi brusque de tous les indices était prédéterminée, en d'autres termes, si on aurait pu l'éviter.

L'analyse technique du marché des valeurs, à laquelle on recourt d'habitude dans de tels cas, ne donne aucune réponse à ces questions, et l'analyse macroéconomique n'est utilisée que très rarement. Or, la dynamique et le niveau du rapport entre la capitalisation du marché des titres et le PIB nominal, c'est-à-dire, du coefficient de capital du PIB (indice de la compagnie FBK - consultants en finances et en comptabilité), revêt une importance extrêmement grande pour évaluer les perspectives stratégiques des marchés des valeurs.

L'analyse de la dynamique du coefficient de capital du PIB pour les pays du G8 et du BRIC pour 1995-2008 a révélé des particularités caractéristiques en matière d'évolution de cet indice, ainsi que sa corrélation avec la dynamique des rythmes de croissance du PIB. La surcapitalisation du marché des valeurs, c'est-à-dire l'augmentation du coefficient de capital du PIB à un niveau anormalement élevé, est inévitablement suivie d'une baisse radicale, accompagnée d'un ralentissement de la croissance économique.

A l'heure actuelle, ce sont les Etats-Unis et la Grande-Bretagne qui ont les plafonds les plus élevés en matière de coefficient de capital du PIB, avec 180-200%. Pour les économies émergentes, cet indice est de 100-150%, et pour le monde entier, de 120%. Ces plafonds diffèrent dans les pays industrialisés et les pays en développement, et les raisons de ce fait sont évidentes: il y a des différences en matière de développement des systèmes financiers et des institutions de marché, mais aussi de structure du secteur des grandes entreprises. Néanmoins, dépasser ce plafond est critique tant pour les pays industrialisés que pour les pays en développement.

L'analyse de la dynamique du coefficient de capital du PIB au niveau mondial a montré que la crise financière planétaire est le résultat de la surcapitalisation des marchés. Le plafond du coefficient de capital a été dépassé. Et la crise hypothécaire aux Etats-Unis n'a été que l'élément déclencheur provoquant l'expansion de la crise.

Les principales causes de la crise financière en Russie sont plus larges et plus profondes que la simple influence de la crise mondiale. La dégradation de la situation macroéconomique en Russie s'est manifestée en mai-août 2008: accroissement colossal des prix, récession en matière de dynamique des investissements dans les immobilisations, mais également en termes de volumes de production industrielle. Une tendance au ralentissement des rythmes de croissance économique s'est manifestée.

Le coefficient de capital du PIB de 116%, atteint en Russie en 2007, a dépassé de presque cent pour cent celui de l'Allemagne (64%) et d'autant plus celui de l'Italie (51%), se retrouvant même non loin des indices américain (144%) et britannique (141%). Dans le même temps, les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et l'Allemagne occupent les premières positions au classement du Forum économique mondial (WEF) des systèmes financiers les plus développés du monde, la Russie se classant seulement 36e. Il est évident que le coefficient de capital du PIB atteint [en Russie] ne correspondait pas au niveau de développement du système financier du pays, ce qu'ont de toute évidence démontré les événements de 2008.

Ainsi sont apparues des raisons fondamentales pour une crise financière en Russie: la surcapitalisation du marché des valeurs et la dégradation des indices macroéconomiques. Entre le 19 mai et le 6 octobre, l'indice RTS a chuté de 65%, alors que dans le reste du monde, les indices boursiers nationaux n'ont baissé que de 25-30%. Une différence aussi importante entre la baisse du marché des valeurs russe et celle des marchés mondiaux est une preuve du fait que la crise financière globale n'a été qu'un puissant stimulant supplémentaire de la chute du marché des valeurs russe.

Le ralentissement des rythmes de croissance du PIB constaté après le pic du coefficient de capital permet de prévoir aujourd'hui avec encore plus de certitude un ralentissement de la croissance économique en Russie. Selon les estimations de FBK, elle ne devrait pas dépasser 4% en 2009.

Naturellement, on se demande ce qui détermine le coefficient plafond de capital du PIB.

La profondeur et l'importance de la chute des marchés dépendent de l'état de l'économie et des facteurs qui ont engendré les changements d'humeur des investisseurs.

Variante I. S'il s'agit tout simplement d'une prédominance des tendances baissières, ou bien si ce revirement a été provoqué par des facteurs extérieurs douloureux ou des facteurs intérieurs de petite importance, la chute des marchés des valeurs ne devrait pas être catastrophique (20-30%).

Variante II. Si le revirement est dû à une sérieuse détérioration des indices macroéconomiques, accompagnée de facteurs extérieurs négatifs, la chute sera probablement plus importante que la chute conjoncturelle (30-50%).

Variante III. Si la raison est macroéconomique, et qu'aucune mesure efficace n'est prise en vue d'assainir l'économie, alors que les facteurs extérieurs douloureux et les facteurs intérieurs de petite importance sont très nombreux, la chute risque d'être extrêmement importante (50-90%).

La chute du marché des valeurs en Russie correspond à la troisième variante.

La baisse du coefficient de capital du PIB ne doit pas forcément s'accompagner de mesures urgentes visant à stabiliser la situation sur les marchés des valeurs. Mais dans une phase de crise aiguë, les gouvernements se voient souvent obligés de recourir à ce genre de mesures.

Parmi les pratiques internationales de soutien du marché des valeurs par le biais d'injections gouvernementales, on peut citer la tentative de la Réserve fédérale des Etats-Unis (FED) d'injecter 7 milliards de dollars supplémentaires sur le marché en août 2007, imitée par la Banque centrale du Japon, avec 400 milliards de yens (3,9 milliards de dollars). On peut également citer les injections liées à la crise hypothécaire effectuées auparavant par les banques centrales des plus grands pays, y compris la Banque centrale européenne (BCE) et la FED, pour un montant de 350 milliards de dollars; et enfin, la récente décision des autorités américaines de débourser à ces fins 750 milliards de dollars d'aide financière.

La Russie agit de la même façon, en déboursant des milliers de milliards de roubles. Cependant, ces mesures n'ont pas encore été couronnées de succès et les marchés ont poursuivi leur chute, bien qu'elles aient suscité à court terme une réaction très positive.

Dans une perspective à court terme, il n'existe sans doute aucune alternative à l'octroi de colossales sommes budgétaires. On est obligé de dépenser de l'argent lorsqu'il y a une menace réelle de crise bancaire de grande envergure, étant donné que la crise du marché des valeurs affaiblit le système bancaire.

Que faire par la suite?

Les mesures suivantes sont, semble-t-il, les plus raisonnables pour sortir de la crise:

- Un soutien budgétaire limité destiné au système bancaire.

- La vente d'actifs publics, le renoncement à la politique de rachat des actifs en difficulté.

- L'adoption d'un programme de stabilisation et de développement des marchés financiers.

- La mise en oeuvre d'un programme de stabilisation macroéconomique (dans lequel la priorité serait de contenir l'inflation).

Tatiana Martchenko est experte en chef de la compagnie FBK.

Les opinions exprimées dans cet article sont laissées à la stricte responsabilité de l'auteur.

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