Chronique du conflit armé en Ossétie du Sud (août 2008)

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La situation dans la zone du conflit osséto-géorgien s'est détériorée brusquement dans la soirée du 1er août. Tskhinval et plusieurs autres localités ont subi des pilonnages massifs. Des tirs d'armes d'infanterie, de lance-roquettes et de mortiers se sont poursuivis durant plusieurs heures dans la zone de conflit. Ils ont fait les premières victimes et occasionné des destructions. L'Ossétie du Sud a procédé à l'évacuation de ses habitants vers l'Ossétie du Nord. Au cours de deux premiers jours qui ont suivi les pilonnages, 2.500 habitants ont quitté leurs foyers.

Le 2 août, après avoir rencontré les représentants de la mission des observateurs de l'OSCE, ainsi que le général Mamouka Kourachvili, qui assumait les fonctions de chef d'état-major des opérations de paix du ministère géorgien de la Défense, et le général Marat Koulakhmetov, qui commandait les Forces mixtes de maintien de la paix (FMMP), Temour Yakobachvili, ministre d'Etat géorgien de la Réintégration, a déclaré que les autorités géorgiennes ne voyaient pas d'alternative aux pourparlers directs entre Tbilissi et Tskhinval et qu'elles étaient disposées à négocier sans préalable. Les autorités géorgiennes prendront toutes les mesures nécessaires pour parvenir à un règlement politique de la situation, a déclaré Temour Yakobachvili.

Le 3 août, la Géorgie a continué à envoyer des troupes vers les frontières de l'Ossétie du Sud. Une colonne d'artillerie, constituée d'un groupe de canons d'artillerie D- 30 et de deux batteries de mortiers faisant partie de la quatrième brigade d'infanterie motorisée du ministère géorgien de la Défense, a quitté la base militaire de Gori en direction de Tskhinval.

Le ministère russe des Affaires étrangères a déclaré que la menace d'actions militaires de grande envergure entre la Géorgie et l'Ossétie du Sud devenait de plus en plus réelle.

Selon une information donnée par le commandant adjoint des Forces mixtes de maintien de la paix (FMMP), Vladimir Ivanov, le contingent de maintien de la paix est mis en état d'alerte renforcée, les postes des forces de paix renforcent leur contrôle, des postes d'observation supplémentaires sont installés.

Dans la nuit du 6 août, des avions à réaction ont survolé à six reprises la zone de conflit, du Sud (Gori) vers le Nord (Djava). La Géorgie a continué de concentrer, tout en les dissimulant, des systèmes d'artillerie et des systèmes de lance-roquettes multiples Grad à proximité immédiate des frontières de l'Ossétie du Sud. Des camions transportant des soldats, des véhicules blindés de combat d'infanterie (BMP), des rampes de lancement de lance-roquettes Grad et des canons d'artillerie ont fait mouvement de Koutaïssi vers Gori.

Au moment de lancer son opération militaire de grande envergure contre Tskhinval, la Géorgie disposait d'un groupement fort de quelque 12.000 hommes. Au total, près de 3 brigades d'infanterie, une brigade d'artillerie, un bataillon de chars et des unités d'élite des ministères de la Défense et de l'Intérieur de Géorgie ont été engagés dans l'attaque contre Tskhinval.

L'ambassadeur itinérant du ministère russe des Affaires étrangères, Iouri Popov, s'est rendu dans la région. Grâce à ses efforts, une rencontre à Tskhinval entre Temour Yakobachvili et le vice-premier ministre sud-ossète Boris Tchotchiev a été préparée, mais elle n'a pas eu lieu en raison des pilonnages de Tskhinval et d'autres localités qui ont repris le 7 août.

Le 7 août, la perspective d'une rencontre tripartite a été de nouveau débattue lors d'un entretien entre Iouri Popov et Temour Yakobachvili qui s'est tenu à Tbilissi. Après quoi les deux interlocuteurs ont gagné séparément l'Ossétie du Sud. Après avoir rencontré des habitants de villages géorgiens, Temour Yakobachvili est reparti pour Tbilissi, Iouri Popov est resté sur le lieu de stationnement de l'état-major unifié des soldats de la paix.

Pendant ce temps, la Géorgie a installé 27 rampes de lancement de roquettes Grad dans les environs de Gori. Une colonne de matériel de guerre a pris la direction de l'Ossétie du Sud. 20 camions transportant des soldats, 20 jeeps Toyota armées de mitrailleuses lourdes, trois véhicules blindés de combat d'infanterie et trois pièces d'artillerie ont quitté Koutaïssi pour Gori.

Dans l'après-midi, des pièces lourdes d'artillerie ont pilonné Tskhinval et ses environs, à partir des villages géorgiens de Nikozi et d'Ergneti. A 15h45, les observateurs géorgiens ont quitté l'emplacement de l'état-major unifié des soldats de la paix et les postes d'observation.

Le 7 août au soir, Temour Yakobachvili a déclaré que la Géorgie interrompait unilatéralement les tirs pour un certain temps dans la zone de conflit. Selon lui, la Géorgie voulait montrer ainsi aux autorités de Tskhinval "toute l'absurdité d'un conflit armé". Temour Yakobachvili a indiqué qu'il souhaitait se rendre avec l'ambassadeur itinérant du ministère russe des Affaires étrangères, Iouri Popov, dans la zone de conflit pour tenter d'y mener des pourparlers.

A 19h40, Mikhaïl Saakachvili s'est adressé au peuple géorgien. Il a déclaré qu'il avait donné l'ordre le jeudi soir à toutes les unités armées géorgiennes de cesser d'effectuer des tirs en réponse dans la région de Tskhinval. "Je tiens à m'adresser à ceux qui tirent sur les policiers géorgiens. Je veux leur dire en toute responsabilité que j'ai pris il y a quelques heures une décision difficile, celle de ne pas répondre par les armes", a souligné le président géorgien.

Le 7 août, à 22h35, soit trois heures après la déclaration de Mikhaïl Saakachvili, la Géorgie a déclenché une offensive contre l'Ossétie du Sud.

A 23h15, des combats et des pilonnages au lance-roquettes et au mortier ont commencé. Les tirs en salve des mortiers ont commencé à 23h45.

L'artillerie a grondé à partir de 00h20 le 8 août. A 01h20, sous le grondement de la canonnade, les troupes géorgiennes entraient dans la partie Est de Tskhinval.

Dans la nuit du 7 au 8 août, Mamouka Kourachvili, le commandant des opérations de paix de l'état-major unifié du ministère géorgien de la Défense, a déclaré à la chaîne de télévision Roustavi-2 que la Géorgie avait décidé de rétablir l'ordre constitutionnel dans la zone de conflit.

Au matin, l'aviation géorgienne a frappé l'Ossétie du Sud. Cinq avions d'assaut Su-25 ont largué des bombes dans la région de Tkverneti. Un convoi d'aide humanitaire en provenance d'Ossétie du Nord a également été bombardé.

Au matin, également, Temour Yakobachvili a déclaré: "Tskhinval est encerclé presque entièrement par les unités géorgiennes, mais nous ne voulons pas de destructions ni de victimes, c'est pourquoi nous proposons de nouveau aux leaders séparatistes d'engager des négociations directes sur le cessez-le-feu et la désescalade dans la zone de conflit".

Les tirs effectués durant la nuit par les Géorgiens ont endommagé plusieurs bâtiments situés sur le territoire de l'état-major des soldats de la paix russes à Tskhinval. Le bâtiment du parlement de la République d'Ossétie du Sud a été réduit en cendres, le complexe des bâtiments gouvernementaux a été détruit, des immeubles d'habitation et d'autres édifices du centre de la ville étaient en flammes.

Une colonne de chars et des éléments d'infanterie faisaient mouvement vers Tskhinval.

Au milieu de la journée, malgré la résistance opposée par les unités sud-ossètes, les troupes géorgiennes ont pris le contrôle de Tskhinval et de huit villages sud-ossètes. La Russie a envoyé des renforts en Ossétie du Sud dans l'après-midi du 8 août pour apporter un soutien aux soldats de la paix russes et défendre les civils compte tenu de la menace directe pour la vie des ressortissants russes vivant en Ossétie du Sud, et conformément au droit à l'autodéfense.

A 15h00, le président de la Fédération de Russie a fait une déclaration à la télévision russe à propos de la situation en Ossétie du Sud. Dmitri Medvedev a notamment souligné que, conformément à la Constitution et à la législation fédérale, il devait, en tant que président de la Fédération de Russie, défendre la vie et la dignité des citoyens russes, où qu'ils se trouvent. Dans ces circonstances, la Fédération de Russie était tenue de lancer une opération pour contraindre la Géorgie à la paix et défendre les ressortissants russes se trouvant en Ossétie du Sud.

Le 9 août, des unités supplémentaires de la 58e armée et des troupes aéroportées ont été introduites dans la zone de conflit.

La Géorgie a déclaré que des avions russes avaient bombardé ses positions. Les troupes russes ont lancé des combats en direction de Zar, débloquant la route menant du Nord à Tskhinval.

A 16h00, heure de Moscou, les navires de la Marine de guerre russe ont commencé à patrouiller dans les espaces maritimes situés le long de la côte de l'Abkhazie, près de la zone du conflit armé en Ossétie du Sud appliquant la décision du Commandant en chef suprême des Forces armées de la Fédération de Russie et conformément à la Constitution russe. Une note appropriée a été envoyée à la Géorgie.

Le général d'armée Vladimir Boldyrev, commandant en chef des troupes terrestres, a fait savoir aux journalistes que les bataillons et les groupes tactiques avaient entièrement libéré Tskhinval des forces armées géorgiennes et qu'ils étaient en train de chasser les unités géorgiennes de la zone de responsabilité des forces de paix.

Le président géorgien a convoqué une réunion extraordinaire du Conseil de sécurité, au cours de laquelle il a annoncé avoir signé un décret sur la loi martiale dans le pays. "La Géorgie, a-t-il dit, se trouve placée dans le contexte d'une agression russe".

Le 10 août, le ministère géorgien des Affaires étrangères a transmis à l'ambassade russe une note annonçant que le président géorgien avait donné l'ordre de cesser, à compter du 10 août, à 05h00, les actions militaires et les tirs et indiquant que les forces armées géorgiennes se retiraient de la zone de conflit.

Le président géorgien a déclaré, dans une interview à la chaîne de télévision CNN, que les troupes géorgiennes s'étaient entièrement retirées de la zone de conflit.

Des navires russes qui patrouillaient le long du littoral de la république non reconnue d'Abkhazie ont été attaqués par quatre vedettes porte-engins géorgiens. Les navires russes ont tiré des coups de semonce, puis un coup de barrage. Au cours d'un bref combat naval, un navire géorgien a été coulé. Les trois autres sont repartis vers Poti.

Des couloirs humanitaires ont été ouverts pour permettre aux réfugiés de sortir de l'Ossétie du Sud. Conformément à un accord intervenu entre les parties, il y avait deux corridors: celui du Nord (pour les réfugiés et les blessés ossètes), et celui du Sud (pour les réfugiés et les blessés géorgiens).

Le 11 août, le président russe Dmitri Medvedev a déclaré, lors d'une rencontre avec le ministre russe de la Défense, Anatoli Serdioukov, que la Russie avait achevé une partie considérable de l'opération visant à imposer la paix à la Géorgie en Ossétie du Sud.

Les soldats de la paix et les militaires russes ont pris des mesures préventives dans la région de la ville géorgienne de Senaki, où se trouvait une base militaire, en vue de prévenir une nouvelle agression contre l'Ossétie du Sud.

La Russie et la Géorgie ont convenu de ne pas employer l'aviation dans la zone de conflit, a annoncé l'agence d'information News-Georgia. Le commandant des forces de paix russes Sergueï Tchaban a précisé que cette entente ne valait pas pour la région de Tskhinval.

La France a proposé un plan de règlement du conflit osséto-géorgien. Ses principales dispositions prévoyaient un cessez-le-feu immédiat, l'octroi de soins aux blessés, ainsi que le retrait des troupes géorgiennes et russes de la zone de conflit.

Le 12 août, le Commandant en chef suprême des Forces armées russes, Dmitri Medvedev, a donné l'ordre de mettre un terme à l'opération visant à contraindre la Géorgie à la paix, ses objectifs ayant été atteints.

La Russie et la France ont concerté les six points du règlement du conflit en Géorgie (plan Medvedev-Sarkozy). Ils prévoyaient, entre autres, de ne pas recourir à la force, de cesser définitivement toutes les actions militaires, d'assurer le libre accès à l'aide humanitaire. Les forces armées géorgiennes devaient retourner sur les lieux de leur stationnement permanent. Les forces armées russes devaient  regagner la ligne d'avant le début des actions militaires. Cependant, avant la création des mécanismes internationaux, les forces de paix russes devaient prendre des mesures de sécurité supplémentaires. Le sixième point prévoyait le début de la discussion internationale des questions relatives au futur statut de l'Ossétie du Sud et de l'Abkhazie, ainsi que les moyens d'assurer leur sécurité.

Les autorités géorgiennes ont accepté de signer ce document, mais ont exclu du sixième point la référence au statut, tout en acceptant d'examiner les questions de sécurité.

Le 14 août, les dirigeants des républiques non reconnues d'Abkhazie et d'Ossétie du Sud ont signé les principes du règlement.

Le 15 août, le président géorgien Mikhaïl Saakachvili a signé le plan Medvedev-Sarkozy.

Le 16 août, le plan de règlement du conflit en Géorgie a été signé par le président russe Dmitri Medvedev.

Selon les chiffres du ministère russe de la Défense, 18 militaires russes, dont un officier, 17 sergents et soldats ont été tués au cours du conflit. Le général Anatoli Nogovitsyne, chef adjoint de l'état-major général des Forces armées russes, a indiqué que 52 militaires, dont un général, deux officiers et 49 sergents et soldats ont été blessés. 14 militaires sont portés disparus.

D'après les données du ministère russe des Affaires étrangères, 1.600 habitants, environ, ont été tués lors des actions militaires. Plus de 30.000 réfugiés ont quitté l'Ossétie du Sud.

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