Tskhinvali un an après la guerre: comme si c'était hier

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Ce qui saute aux yeux, lorsque l'on regarde Tskhinvali du haut d'une des collines environnantes, ce sont les nouveaux toits multicolores - verts, bleus, mais, plus souvent, rouges - aux quatre coins de la ville. On découvre probablement un tableau tout aussi pittoresque depuis les hélicoptères qui y acheminent les hôtes de marque.

Mais, vu de l'intérieur, le Tskhinvali d'août 2009 offre un tableau différent: on y voit des immeubles de quatre étages présentant d'effroyables trous, dont les toits semblent avoir été foulés par un énorme monstre, et dont les murs sont transpercés par les balles et les éclats. Le bâtiment du parlement en ruines qui a servi de décor au concert donné il y a un an par le chef d'orchestre Valeri Guerguiev n'a pas changé. On a l'impression que la guerre s'est achevée ici non pas il y a un an, mais hier.

Il y a de rares exceptions: le bâtiment du gouvernement et l'école ont été restaurés, un lotissement de villas est en construction à l'entrée de la ville du côté de la Russie. L'hôpital, qui avait beaucoup souffert, est restauré à l'extérieur, et son aménagement intérieur est en cours, bien qu'il garde encore des traces d'obus. Des trous destinés à la construction d'habitations sont visibles partout, mais, pour l'instant, on ne fait que poser des fondations.

Certaines maisons privées sont réparées, d'autres sont démolies pour céder la place à de nouvelles habitations, mais de nombreux habitants de Tskhinvali sont contraints de le faire à leurs frais, car ils n'espèrent plus recevoir d'indemnités pour compenser la destruction de leur demeure.

"Rien n'a changé ! Regardez vous-mêmes. Même les moyens de communication sont restés comme pendant la guerre, quand nous ne pouvions pas communiquer", reconnaît un militaire sud-ossète, qui préfère garder l'anonymat.

Les cicatrices de deux guerres et l'aide humanitaire

Certains habitants vivent toujours dans des maisons détruites pendant la guerre de 1992, qui n'ont pas de murs et dont les toits sont troués. C'est peut-être la raison pour laquelle, lorsqu'ils répondent aux questions des visiteurs sur la guerre, les habitants de Tskhinvali demandent qu'on précise de quelle guerre on parle: de celle de 1992 ou de 2008 ?

"En 1992, un obus est tombé dans ma maison. Nous n'avons reçu alors aucune indemnité. Nous avons réparé nous-mêmes le toit tant bien que mal, mais, hélas, l'année dernière, notre maison a de nouveau été la cible des bombardements. Une fois de plus, je n'ai rien reçu. Je loue un appartement, je ne peux pas faire autrement", se lamente Vitali Tabouïev, un vieil habitant de Tskhinvali.

"Ici vivaient des Géorgiens, personne ne veut reconstruire leur maison": c'est ainsi que les habitants expliquent la présence de maisons géorgiennes en ruines. De telles maisons sont nombreuses non seulement à Tskhinvali, mais aussi dans les villages géorgiens déserts, totalement délabrés, situés juste avant l'entrée dans Tskhinvali: certaines maisons ont été incendiées, d'autres démolies au bulldozer. Ce sont les conséquences de la guerre de 2008.

La guerre des cinq jours, en août dernier, n'a pas épargné la maison de l'Ossète Svetlana Naniïeva, 64 ans, contrainte de vivre désormais chez des voisins, dans la maison de Zelim Djoussoïev, à demi-détruite par un séisme. Ce quartier, baptisé, on ne sait pourquoi, le quartier juif, compte un grand nombre de maisons détruites: selon Svetlana, 49 maisons ont été complètement ravagées par le feu. Leurs habitants sont partis chez des parents ou des amis. Certains sont restés et vivent sous des tentes.

A vrai dire, Svetlana reconnaît qu'elle a touché, à titre exceptionnel, 50.000 roubles (1.118 euros), qui ne suffisent évidemment pas pour la construction d'une nouvelle maison. Juste après la guerre, elle avait reçu une aide humanitaire. Svetlana n'oubliera jamais cet épisode: prise dans une bagarre qui avait éclaté au milieu d'une foule rassemblée pour recevoir des vêtements et des produits alimentaires, cette vieille femme malade était tombée et s'était cassé le bras.

On dort plus tranquillement, mais une angoisse est toujours là

Les habitants de Tskhinvali ont des avis différents sur l'éventualité d'une nouvelle guerre avec la Géorgie. "Je m'attends chaque jour à ce que cela recommence. Il suffit qu'un hélicoptère passe pour que j'aie peur. Même si je sais pertinemment que ce sont les nôtres", reconnaît Ioulia Koudzyïeva (son nom de jeune fille était Oulanova), qui habitait autrefois à Saratov avant de venir s'installer à Tskhinvali, où elle a connu les deux guerres.

"Il ne se passera rien ! Que peut-il arriver avec autant de militaires ici ?", lui objecte son époux, Iakov.

La question posée par le correspondant de RIA Novosti a également suscité un débat parmi des vieillards assis sur les bancs de la place qui se trouve devant le théâtre en ruines, leur lieu préféré. Certains d'entre eux sont rassurés par les militaires russes, d'autres n'excluent pas des aventures de la part de la Géorgie, tout en parlant de la Russie avec espoir et gratitude.

Les militaires estiment que des provocations sont possibles, mais ils évaluent différemment l'ampleur de celles-ci. "Ils ne sont quand même pas fous, ils comprennent que les forces russes sont importantes ici", estime un garde-frontières, sous couvert de l'anonymat.

 "Ils ont de bonnes unités d'élite, il ne faut pas les sous-estimer. Elles sont entraînées selon le programme de l'OTAN. S'ils lancent une attaque par surprise ... Tu vois ces peupliers ? Un sniper s'y est installé, c'est un poste géorgien. Notre unité devient alors une bonne cible", constate un soldat de la paix russe en montrant des arbres situés à une centaine de mètres de son unité, qui a subi une attaque massive en août 2008 et n'est toujours pas protégée par un mur, côté Géorgie.

"Quoi qu'il en soit, depuis l'arrivée des militaires russes en Ossétie du Sud, on peut dormir plus tranquillement", assure un Ossète du Nord qui a participé à la guerre d'août 2008.

La vie bouillonne, les prix sont élevés

Malgré les champs de ruines dans la ville et la crainte de nouvelles provocations de la Géorgie, les habitants de Tskhinvali tentent de vivre normalement. Les magasins et les marchés sont ouverts. Les enfants et les adultes jouent au football au stade municipal. Ils se promènent dans la ville, se baignent dans la rivière, la Liakhva, et bronzent sur ses plages caillouteuses.

"Autrefois, des Géorgiens venaient ici chercher du travail. Maintenant, nous devons les remplacer et nous travaillons bien, semble-t-il", affirme Lena, propriétaire d'une boulangerie de la rue Moskovskaïa, sans s'arrêter de cuire son pain caucasien. Sa maison a elle aussi été partiellement détruite en août 2008 et sa famille est en train de la restaurer, à ses frais.

Les Géorgiens venaient autrefois à Tskhinvali non seulement pour y travailler, mais aussi pour vendre leurs produits au marché. Ses habitants reconnaissent que, grâce au commerce avec les Géorgiens, les prix étaient alors bien plus bas qu'aujourd'hui, car de nombreux produits arrivent désormais de Russie.

"Avant, les tomates coûtaient 15 roubles le kilo (0,33 euro) et les concombres 10 roubles, alors qu'aujourd'hui ils coûtent 50 à 60 roubles (1,1 à 1,3 euro). Un kilo de riz coûtait 20 roubles (0,4 euro), contre 50 roubles (1,1 euro) aujourd'hui. Un kilo de viande de boeuf coûte 180 roubles (4 euros), contre 80 roubles auparavant (1,7 euro)", se plaint Svetlana Naniïeva, qui touche une pension de 4.000 roubles (89 euros).

Le correspondant de RIA Novosti a constaté que les prix sont élevés dans les magasins de Tskhinvali: au centre de cette petite ville, ils avoisinent ceux de Moscou. Il se peut que les prix soient élevés du fait des nombreux étrangers qui s'y rendent, y compris les journalistes. Ou peut-être aussi à cause du grand nombre de militaires et de travailleurs du bâtiment, qui gagnent bien plus que les autochtones. Mais tous les interlocuteurs de RIA Novosti ont fort diplomatiquement évité de mentionner cette raison.

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