Courrier des lecteurs Gérard Lefort, 2009-07-10 14:27

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Les Russes, jamais à cours d'innovation dès qu'il s'agit d'accélérer la panique mondiale, viennent d'inventer la notion de "guerre saisonnière". A savoir, courant juillet, une attaque possible contre la Géorgie, à peu près à l'identique de celle qui eut lieu à l'été 2008. L'opération, pour l'instant cantonnée aux fameux mouvements de troupes à la frontière, a été baptisée "Caucase 2009é. Comme le nom d'un vin nouveau. Le cru 2009 aura-t-il la même saveur amère que celui de 2008? L'avenir semble suspendu à  la venue à Moscou du président Barack Obama, le 6 juillet. En attendant, l'armée russe veille. C'est en tout cas ce que cette photo de propagande (puisque distillée par l'agence russe Itar Tass) veut signifier. Elle a été prise fin mai à la frontière entre la Géorgie et la province sécessionniste d'Abkhazie. D'un côté donc, l'empire Russe et affilié, de l'autre, la Géorgie. Entre les deux, un glacis surmonté d'un rideau de barbelés. Et dans la tranchée fortifiée en rondins d'un parados, deux soldats en treillis mimant la position du combat. Gageons que deux minutes avant l'instantané sur le vif, les popov devaient buller à l'ombre ou digérer un bon bortsch à peine arrosé d'un tonneau de vodka.

Mais à garde à vous! Les voilà dans la peau du lézard repoussant l'attaque. Car bien entendu il faut que l'image prouve que la Russie est l'agressée et surtout pas l'agresseur. Le danger viendrait donc, comme toujours, de l'horizon. Où on détecte une rivière, un pont désert, et ma foi, même à la loupe, pas l'ombre d'un casque ou d'un blindé. On voit aussi qu'il fait grand soleil. La verdure indique que l'été, qui, sous ses latitudes continentales, peut être caniculaire, n'a pas encore frappé.

Cela dit, entre faire le zouave et être fusillé à l'aube, le dilemme a d'être de courte durée. On note aussi que devant le premier soldat qui épaule, il y a fixé sur la meurtrière un papier imprimé. Le mode d'emploi de l'intervention russe ? (tirer d'abord, discuter après). Les instructions en cas de visite surprise du président Obama ? (ne pas lui faire remarquer qu'il est noir). Le menu de la cantine ? Sinon : la petite maison blanche qu'on aperçoit, les soldats en faction, le paysage rupestre, cette image dit autre chose que ce qu'elle montre. Sa poésie involontaire, c'est qu'elle cite un épisode fameux des aventures de Tintin et le Sceptre d'Ottokar. Celui où le petit reporter ayant franchi malencontreusement la frontière entre la Syldavie et la Bordurie, se retrouve nez à nez avec un poste frontière où saucissonnent des méchants soldats bordures. Si par bonheur tout dans la vie se passait comme dans un Tintin, l'été 2009 entre la Géorgie et la Russie prendrait des allures de guerre des boutons. On peut rêver.

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