La Russie brûlera-t-elle de nouveau?

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Alexandre Latsa - Sputnik Afrique
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L’été est arrivé à Moscou et avec lui son lot de bonnes et mauvaises nouvelles. La ville n'est plus sous la neige depuis quelques semaines et le passage de l'hiver a l’été s'est fait brusquement, presque sans printemps.

L’été est arrivé à Moscou et avec lui son lot de bonnes et mauvaises nouvelles. La ville n'est plus sous la neige depuis quelques semaines et le passage de l'hiver a l’été s'est fait brusquement, presque sans printemps.

J'ai déjà dans mes précédents tribunes expliqué à quel point l’hiver pèse sur les moscovites. Dès les premiers rayons de soleil les habitants passent le maximum de temps à l’extérieur, les places se remplissent, les terrasses aussi, et les parcs sont bondés de jeunes et de moins jeunes qui tentent de profiter des rayons du soleil, de la chaleur et de la lumière. L’été à Moscou est un plaisir pour les yeux tant la beauté russe et slave apparait au regard, surtout via les jeunes filles qui embellissent quasiment chaque rue de la capitale. L’été est aussi la saison des chachliks, c'est-à-dire des brochettes. Le manque de temps passé à l’extérieur durant le long hiver fait que les russes apprécient de pouvoir cuisiner dehors, et de s’asseoir en famille ou avec des amis pour savourer ces piques niques dans la nature.

Les Russes qui ont des datchas, ces petites maisons de campagne, s’y ruent dès les premières chaleurs. Pour les autres, en pleine ville, le premier parc venu permet en général de trouver une clairière dégagée pour pouvoir y poser le fameux мангал ou barbecue, outil indispensable pour faire cuire les brochettes tant désirées. La législation russe est relativement flexible sur le sujet, et le droit de faire cuire ses brochettes dans le parc voisin ou en bas de son immeuble est considéré par les russes comme un droit quasi inaliénable. Bien sur, cette saison culinaire n’est pas sans risques, chaque année, des incidents surviennent, provoqués par l’excès d’alcool sous le soleil.

L’an dernier, ces réjouissances traditionnelles n’ont pas eu lieu comme il se doit à Moscou. La Russie a été frappée par une canicule similaire à la canicule française de 2003. Dès le moins de juin, il y a eu des températures proches de 40° dans une bonne partie du pays et les incendies de forêt ont démarré partout en même temps, y compris autour de Moscou. Ces incendies ont eu des conséquences tragiques puisque près d’un million d’hectares de forêts ont brûlé, 58 personnes seraient décédées et plus de 3.000 logements détruits. Pendant de longues semaines, les 10 millions d’habitants de Moscou ont été littéralement asphyxiés par les incendies des tourbières qui entourent la ville et l’ont noyé dans une épaisse fumée et une odeur de brûlé. Les conséquences sur le long terme sont sans doute bien plus graves. La surmortalité due à cette canicule a été estimée à près de 50.000 personnes. Au niveau écologique, les incendies ont touche des zones irradiées, faisant apparaître le spectre de projection dans l’air de particules radioactives. Enfin au niveau économique les incendies ont détruit de nombreux villages, routes et infrastructures. La sècheresse a compromis les récoltes de blé, entrainant un arrêt des exportations russes ainsi qu’une hausse importante des prix sur le marché local.

La presse française avait plus qu’alarmé l’opinion en nous faisant croire que le pays tout entier était en feu, mais en réalité la proportion de terres dévastées par les incendies a été inférieure à ce qui brûle tous les ans dans certains pays occidentaux qui subissent des incendies comme la Grèce, le Portugal, l’Espagne ou encore l’Amérique. Malgré tous leurs efforts et une volonté quasi-obsessionnelle d’y parvenir (exemple ici), les grands reporters et autres journalistes n’ont pas démontré que ces incendies avaient un rapport avec un hypothétique échec du système Poutine. Je note que les victimes russes sont finalement les grandes oubliées dans ces obsessions et joutes de journalistes, que l’on a pu très justement qualifier d’offensive contre un pays en flammes.

Un an plus tard il est temps de faire les comptes. Dans les bonnes nouvelles, les exportations de céréales ont enfin repris. Les maisons individuelles ont été reconstruites (ici et la) et le système ne s’est pas effondré. Enfin, le gouvernement a dégagé des fonds, principalement pour l’achat de matériel anti-incendie et la protection des forêts. Pendant les incendies de 2010, les bloggeurs russes ont redoublé d’imagination pour s’organiser, par régions et villes, afin de créer des brigades de volontaires, démontrant ainsi la relative maturité d’une société civile que l’on nous dit pourtant inexistante. Enfin ces incendies ont permis une collaboration franco-russe puisque parmi les pompiers étrangers qui ont été dépêchés en Russie, les sapeurs français ont été rapidement surnommés l’escadron Normandie-Niemen.

Pourtant de nombreux experts pronostiquent que les incendies devraient reprendre cette année, ils ont d’ailleurs déjà commencé en Sibérie. Pire, ce sont déjà près de 100.000 hectares qui brûlent en cette fin mai 2011, soit deux fois plus que l’année dernière à la même époque. Bien sur des incendies ont lieu tous les ans en Russie et c’est un fait climatique contre lequel il n’y a  sans doute pas grand-chose à faire. Aux Etats-Unis, par exemple, lorsque des incendies se déclenchent sur de grands territoires vierges, les autorités choisissent de plus ou moins laisser brûler, se contentant de protéger les habitations. On a vu l’an dernier en Russie qu’il est très difficile de lutter contre des feux qui se propagent dans d’immenses forets de résineux et qui déferlent sur de petits villages constitués de maisons en bois, n’ayant même pas pour certains l’eau courante.

Les incendies déclenchés par des accidents de barbecue ou par l’effet loupe de bouteilles de verres abandonnées partout dans les forêts ont par contre été nombreux l’an dernier. Il est certain que l’adoption par les russes de comportements plus écologiques serait essentielle pour limiter les risques d’incendies dans le futur. Quand aux autorités locales, leur capacité à avoir réellement réparé les dégâts et mis en œuvre les moyens nécessaires pour prévenir et contenir de nouveaux feux fera sans doute l’objet d’un test grandeur nature, au moment des élections législatives de l’hiver prochain.

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* Alexandre Latsa, 33 ans, est un blogueur français qui vit en Russie. Diplômé en langue slave, il anime le blog DISSONANCE, destiné à donner un "autre regard sur la Russie".

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